Auguste Maurice LUMIERE ancien garde mobile d’Eure-et-Loir en 1870 

A Châteaudun, les touristes passant par le Cloître Saint Roch, sont souvent surpris de lire sur l’une des deux plaques apposées au mur de la propriété faisant angle avec la ruelle descendant au château, le nom de Lumiere, évocation qui a souvent pour effet de donner lieu à maintes méprises quant à l’origine de la famille. N’ayant effectivement aucune attache généalogique avec les si célèbres frères Lumiere, photographes et inventeurs du cinématographe, Auguste Maurice Lumiere, personnage auquel la présente notice est dédiée, a pourtant une importance toute particulière pour notre association culturelle, comme nous allons le découvrir.

Fils d’Ernest Lumiere, notaire et futur maire de Châteaudun (1870-1872), et de Louise Octavie Groux, fille d’un avoué d’Evreux (Eure), mariés à Evreux le 9 décembre 1844, Auguste Maurice Lumiere naît à Châteaudun le 14 octobre 1845. Pour suivre l’exemple de son père, il entreprend de brillantes études juridiques et obtient avec succès sa licence de droit. Mais après la débâcle de Sedan et l’invasion sur les terres d’Eure-et-Loir des premières troupes de l’armée prussienne qui allaient bientôt occuper une partie de la France, la perspective d’une paisible carrière parmi les hommes de loi, va être vite balayée.

Conscrit de la classe 1865, il est rappelé en exécution de la loi du 18 août 1870. Animé alors du plus noble esprit patriotique, il rejoint dès le 3 septembre 1870 la Garde nationale mobile du département, où il est affecté comme sergent fourrier. Son courage et sa bravoure au combat d’Imbermais (Marville-Moutiers-Brûlé), près de Dreux, en cette mémorable journée du 17 novembre 1870, lui valent la médaille militaire conformément au décret pris le 5 mai 1871, mais aussi, ce qui a été longtemps ignoré, l’irréversible cicatrice à la joue droite et à la lèvre supérieure, une balle ennemie lui ayant transpercé la bouche … Quatorze gardes mobiles d’Eure-et-Loir, tous originaires de Châteaudun et du Dunois, perdront la vie au cours de ce terrible combat … En l’absence du récipiendaire, Ernest Lumiere, père d’Auguste Maurice, signera en septembre le récépissé de la remise de décoration. Relevé le 1er février 1871 par l’autorité militaire, la décision de poursuivre une carrière sous les armes ne se fait pas attendre. Dès le 9 septembre 1872, Auguste Maurice Lumiere, fait la démarche d’un engagement volontaire et il est de nouveau incorporé comme simple soldat au 97ème régiment d’Infanterie de Ligne, stationné à Chambéry (Savoie) après avoir longtemps combattu au Mexique sous Napoléon III. Lumiere reste dans cette unité jusqu’en avril 1875, y obtenant déjà plusieurs grades militaires : caporal, sergent fourrier, sergent, sergent major et adjudant.

De 1875 à 1880, il est affecté au 95ème de Ligne, stationné au camp d’Avord (Cher), puis en 1881 et 1882, au 21ème stationné à Langres (Haute Marne) et enfin de 1883 à 1894, au 36ème régiment d’Infanterie de Ligne, stationné dans l’enceinte du vieux château de Caen (Calvados), au sein duquel il met un terme à sa carrière, élevé par l’autorité militaire, au grade de capitaine, le 13 janvier 1894.

Après avoir pleinement assuré son avenir professionnel, vient aussi pour lui le temps de songer à son propre devenir personnel et familial. Revenu à la vie civile, il se décide à prendre pour épouse mademoiselle Marie Madeleine Bertheaume, de quinze ans sa cadette, née à Argenteuil (Seine-et-Oise) le 30 juin 1860, fille d’un ancien chef de bureau à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, décédé, laquelle vivait à Paris avec sa mère, 132, boulevard Malesherbes (17ème arr.). A cette époque, Maurice Lumiere habite aussi à Paris, 118, rue Lafontaine (16ème arr.). Le mariage est célébré le 13 mai 1895.

Auguste Maurice Lumiere a été fait chevalier de la Légion d’Honneur par décret du ministre de la Guerre en date du 30 décembre 1895. Cette illustre distinction lui est remise le 13 janvier 1896, sur la place d’armes de Caen (Calvados), par le général de brigade Paul Arvers, qui commandait la 10ème brigade d’Infanterie, constituée du 36ème et 129ème régiments d’Infanterie de Ligne. Le dossier du récipiendaire est conservé aux Archives Nationales de France sous la cote LH/1675/46.

Le capitaine Lumiere est décédé à Châteaudun le 16 octobre 1928. Lors de l’Assemblée Générale du 28 novembre de la même année, la Société Dunoise a tenu à rendre « un hommage ému à sa mémoire ». Cependant, aucune notice nécrologique ne lui a été dédiée dans les bulletins de l’association. Il avait pourtant montré tout l’intérêt qu’il portait à l’univers historique et scientifique en acceptant d’adhérer à l’association, parrainé lors de l’assemblée générale du 26 juillet 1904, par l’imprimeur Henri Lecesne, président de la Société Dunoise et l’érudit abbé Charles Cuissard, ancien bibliothécaire à Orléans et curé de Saint-Denis les Ponts, près de Châteaudun. Par testament olographe, la veuve Lumiere, née Bertheaume, a légué à la ville de Châteaudun la maison familiale, sise 2 Cloître Saint-Roch, à charge pour la municipalité d’héberger gracieusement un organisme associatif, loi 1901, à vocation culturelle … Malheureusement, la réalisation de cette clause testamentaire a été longtemps retardée pour cause de conflit militaire mondial entre 1939 et 1945. Et ce n’est effectivement que le 3 mai 1952 que le Conseil d’administration de notre association a pu se réunir dans ses nouveaux locaux, mis à disposition depuis janvier 1947, enfin bien aménagés et garnis des meubles provenant des legs Peigné et … Lumiere !

La Société Dunoise leur devait bien ces quelques lignes.

Didier CAFFOT

 

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