LES CHENETS EN FONTE DE FER
DE LA SOCIÉTÉ DUNOISE ET DU MUSÉE

Photos Ph. Duplant, texte L. Royneau

Ce sont deux paires de lourds chenets dont la provenance n’est pas connue, mais qui devaient servir dans la cuisine d’un manoir ou d’un château. On suppose qu’ils ont été fondus dans les fonderies du Perche tout proche(1). Ce pays, à cheval sur la Sarthe, l’Orne, le Loir-et-Cher, et l’Eure-et-Loir, a été durant des siècles, jusqu’au XIXe, un centre métallurgique important. On y trouvait le minerai en surface et le bois en abondance.

Une paire de chenets de la deuxième moitié du XVIe siècle

Ce sont deux chenets dissemblables en dimensions comme en poids(2) (Fig. 1). Ils sont constitués de deux parties : un montant mouluré sur la face avant, plan sur la face arrière et un chevalet qui supporte les bûches. Le chevalet de section quadrangulaire est emboîté à force dans un trou réservé dans le montant (Fig. 2) et, sur l’un d’eux, il dépasse à l’avant. Comme son pied est plus court que celui des montants, il est en pente vers l’arrière et, de ce fait, le montant est lui aussi incliné vers l’arrière.

Les deux pieds du montant du plus grand chenet forment une voûte à double arcade au centre de laquelle pointe une fleur de lys renversée. La partie verticale se termine par un chapiteau plat. Au dessous, il y a un visage masculin (Fig. 3) et au-dessus du trou d’insertion du chevalet, il y a un bouton floral (Fig. 4). Le dos est irrégulier, avec des bulles, des coulures et des manques, séquelles du coulage. C’est ce qui argumente l’authentification par rapport à des copies du XIX° siècle qui sont beaucoup plus régulières.

Le montant du petit chenet a une double arcade moins marquée, il est plus mouluré et plus fin. Il présente sous le chapiteau un visage féminin(3) (Fig.5) coiffé d’un attifet et, en partie basse, une étoile à 6 branches dans un cercle (Fig. 6). Le dos du montant est lui aussi très irrégulier.

La dissymétrie est voulue, nous avons un chenet mâle et un chenet femelle.

Une paire de chenets du XVe ou XVIe siècle, au musée de Châteaudun(4)

Ce sont deux très lourds chenets(5) armoriés à la décoration identique (Fig. 7). Ils sont constitués des deux parties habituelles : un montant mouluré sur sa face avant, plan sur sa face arrière et un chevalet. Le chevalet de section quadrangulaire est là aussi emboîté à force dans un trou réservé dans le montant.

Les deux pieds moulurés du montant forment une voûte en accolade au centre de laquelle pointe un gros écusson avec 6 annelets (Fig. 10). La partie verticale se termine (Fig. 8) par un chapiteau décoré de probablement trois annelets, puis d’un autre écusson avec six annelets. Ils sont suivis (Fig. 9) par : une longue résille de motifs piriformes (en poire), une fleur de lys, trois autres fleurs de lys dans un écusson. Le dos est plat mais irrégulier avec des manques, tout comme le chevalet.

Plusieurs familles nobles plus ou moins proches de Châteaudun ont un blason avec six annelets posés 3,2, 1. Ce sont les couleurs qui les différencient et nos chenets n’en n’ayant pas, il est difficile de les départager(6) :

– la famille « de Prunelé », propriétaire depuis 1753 du château de Moléans, est connue en Beauce depuis le XIIe siècle. Son blason est de gueules (fond de couleur rouge) à six annelets d’or (Fig. 11).

– la famille « de Caillebot de la Salle » a un blason aux couleurs inverses, d’or à six annelets de gueules (Fig. 12). La seigneurie de la Salle était située au Mesnil-Thomas, dans le Perche Senonchois, et elle a appartenu aux Caillebot jusqu’en C’est un village situé à la bordure est de la forêt de Senonches, dont le sous-sol est riche en minerai de fer(7),

– la famille « d’llliers » a un blason identique. Illiers-Combray est à l’est du Perche, à une vingtaine de kilomètres.

– la famille de « Vieuxpont » a un blason d’argent à six annelets de gueules. La seigneurie de Courville, à l’est du Perche, lui appartenait.

– la famille « de Morais » a un blason d’or à six annelets de sable (couleur noire. Cf. Fig. 13). Au XVIe siècle, elle possède la seigneurie de Brezolles. Brezolles est au nord et à 17 kilomètres de la forêt de Senonches.

Chapiteau d’un chenet, XVe-XVIe siècle, au musée de Châteaudun

C’est le chapiteau très altéré d’un montant de chenet (Fig. 14 et 15); il représente une femme (Dimensions : section de 6,5 cm x 4,5 cm, hauteur : 11 cm). Il est à rapprocher de la paire de chenets sexués que nous avons décrits. Origine: en avril 1887, «M. Ernest Lambron fait don à la Société dunoise d’un fragment de landier représentant une femme ». Le rédacteur de la note aura confondu landier et chenet.

Notes

1 Sorgel André, « Chenets et landiers du Perche : leur évolution stylistique du XVe au XIXe siècle » Cahiers percherons, N°186, 2011-2.

2 Coll. Soc. dunoise (Réserve). Grand chenet. Montant : hauteur 53,5 cm, épaisseur de 3,5 cm à 4,5 cm, largeur au niveau des pieds 22 cm, largeur du chapiteau 7,5 cm. Chevalet : longueur 38,5 cm, section de 3 cm par 5 cm. Poids 17 kg. Petit chenet. Montant : hauteur 50 cm, épaisseur 3 cm largeur au niveau des pieds 22,5 cm, largeur du chapiteau 6,5cm. Chevalet : longueur 42,5 cm, section de 2,5 cm par 4 cm. Poids : 11 kg.

3 Ces chenets, toujours déplacés en les prenant par les deux chapiteaux et visages, présentent à ces endroits un poli.

4 Coll. Soc. Dunoise. Avec l’autorisation de Mme Mireille Bienvenu,  conservatrice du musée de Châteaudun.

5 N° 2008.0.1.37.1. Dimensions : hauteur 73,5 cm, longueur 51 cm, largeur 27 cm, poids 36,8 kg. Section du pied : 6 x 4 cm, section du montant : 6 x 6 cm à 5 x 5 cm au sommet. Section du chevalet : 6 cm par 7 cm. N° 2008.0.1.37.2. Dimensions : hauteur: 73 cm, longueur 51 cm, largeur 27,5 cm, poids 38,9 kg. Section du pied : 7 x 4 cm, section du montant: 5 x 8 cm à 5 x 5,5 cm au sommet. Section du chevalet: 6 x 7,5 cm Nous ne sommes pas volontaires pour les déplacer une deuxième fois !

6 Gauddefroy-Penelle, Métais, Du Temple de Rougemont, Armorial chartrain, 1909, t. 1rubrique n°848 ; t. 3, rubriques : 3406 et 3919.

7 Voir aussi « L’industrie au village (XVsiècle) Pontgouin, aux confins du Chartrain et du Perche ». Cahiers de la Société archéologique d’Eure-et-Loir, 2016-2.

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